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Blog d'HABEO Art et Estampes

Littérature johannique, par René Prophéte

31 Août 2011 , Rédigé par Hughes Brivet Publié dans #Religion

(2è édition de ce texte où nous avons mis en italiques les corrections de la 1ère édition)

A. Statistiques. L’Esprit est souvent nommé, soit au sens du mystère chrétien (ci-dessous majuscule), soit au sens de la vie intérieure de l’homme (minuscule). Esprit. Jn : 15 emplois. 1Jn : 7. Apoc. 11. esprit. Jn : 6 emplois. 1Jn : 6. Apoc : 11. Entre les 2 sens, choix - discutable - d’après la Concordance de la TOB.  

 

B. Jean et 1ère lettre de Jean. Comme Mt, ce sont des textes écrits pour une communauté judéo-chrétienne, mais là, certains membres ont des difficultés à accepter la doctrine de la préexistence divine de Jésus, telle qu’elle s’exprime par exemple dans le prologue de Jn 1,ou en Jn 5,17-18; 8,58; 10,38. Traditionnellement depuis Irénée, l’auteur de ces ouvrages serait l’apôtre Jean, ce qui est mis en doute aujourd’hui par de bons exégètes comme R.E.Brown ou Y.-M. Blanchard.

 

1. Les titres de Jésus.  

“Ces signes ont été consignés pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu...”  (cf. 1,34;1,41;1,49). - “le Fils unique” (monogène) 1,14; 1,18 ;3,16; 3,18; 1Jn 4,9 (cf. le fils d’Abraham Heb 11,17) - “le Roi d’Israël” 1,49. - “l’Agneau de Dieu” 1,29. - “le Prophète” 6,14;7,40. - “le Fils de l’homme” 1,51. - “le Sauveur du monde” 4,42. Nous pouvons ajouter un verbe qui revient constamment dans la bouche de Jésus : il est “envoyé” (verbe qui revient constamment chez Jn ; cf. aussi Mc 9,37 et //) par le Père, et il envoie ses disciples. Citons encore “Je suis”, le nom de Dieu révélé à Moïse en 8,24; 8,28; 8,58; 13,19.

“Le Père est plus grand que moi” 14,28. Texte qui sera souvent invoqué au 4è siècle dans les débats trinitaires.

Remarquons au baptême de Jésus le témoignage du Baptiste : “J’ai vu l’Esprit, tel une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui”, comme le lui avait indiqué Celui qui l’avait envoyé. Jn 1,32-33. Texte évidemment trinitaire.

 

1 bis. Il nous faut compléter notre première rédaction. Jean insiste sur les liens du Père et du Fils en 7,28-29; 10,14-15; 14,7 et 20; 15,15; 17,21-26. Voir aussi 3,34 : Jésus (ou le croyant ?) reçoit l’Esprit sans mesure.

 

2. L’œuvre de l’Esprit.

Comme expression de la vie intérieure de l’homme, nous pouvons citer 2 textes peu discutables : 11,33 Jésus ému devant le tombeau de Lazare, 13,21 Jésus bouleversé par la trahison de Judas. Nous pouvons hésiter sur la portée de  19,30 : Jésus rend l’esprit (expire).

Par contre, la parole à Nicodème (la naissance de l’eau et de l’Esprit), et la parole à la Samaritaine (le culte en esprit et vérité) me paraît rappeler la descente de l’Esprit sur Jésus au baptême (1,32; cf. aussi 3,34). Il faut aussi citer la Pentecôte johannique 20,22.

 

Et bien sûr, nous avons les passages sur le Paraclet : 14,15-17; 14,25-26; 15,26; 16,7-15. Les commentateurs hésitent sur le nombre de versets concernant le Paraclet dans ces textes. Et, comme pour d’autres textes de cet Évangile, beaucoup pensent ici à des  ajouts au fil du temps. Attardons-nous plutôt au contenu doctrinal de ces textes sur le Paraclet.

1. Jésus était déjà un Paraclet (Jn 14,16 ;1 Jn 2,1).

2. D’avocat, le sens peut passer à consolateur, ou intercesseur. Chez Jean, ce terme juridique illustre bien le procès dépeint entre Jésus et le monde (cf. la note u de la TOB pour Jn 14,16).

3. Le Paraclet a un rôle d’enseignement : il est l’esprit de vérité (Jn 16,13; 16,15) qui ne livre pas un autre enseignement que celui de Jésus. Il a une fonction de témoignage 15,26.

4. Ainsi, il a un rôle de mémoire (14,26).

5. C’est une présence intérieure (14,17).

6. Il est envoyé par le Père à la demande du Fils. “Je vous enverrai d’auprès du Père l’Esprit de vérité qui procède du Père” 15,26. “Il vous communiquera ce qu’il reçoit de moi” 16,15.

 

 

Sans prétendre régler l'imbroglio théologique du Filioque, admettons que la présentation johannique, pour complexe qu'elle soit, n'est pas dénuée de bon sens : l'Esprit Saint ne peut venir que du Père, mais son envoi sur les disciples passe forcément par le Fils”. (Y.-M.Blanchard o.c. p.101)

“Ainsi référé au Père, dont “ il procède”, et au Fils qu’il a mission de révéler aux disciples, l'Esprit est traité comme une figure individualisée et considéré comme le sujet de verbes d'action tels que : enseigner, remémorer (14, 26) ; témoigner (15, 26) ; parler, annoncer, glorifier (16, 13-14). Le titre de Paraclet confirme le statut personnel de l'Esprit et l'importance de la fonction assurée au bénéfice des croyants et, en quelque sorte, en suppléance du Christ (16,7), le premier “défenseur de ses disciples”.

Le 4è évangile constitue un fondement assuré de toute théologie trinitaire, dans son expression relative à la personne de l’Esprit-Saint. (o.c. p102-103)

 

 

3. Le Prologue (Jn 1). Une hymne qui sert de portique d’entrée à l’Évangile de Jn. Il commence comme le début de la Bible (Gen. 1) : “Au commencement ...”, et chante Jésus, Parole (“Logos” en grec, qu’on peut traduire par “Verbe” si l’on tient au masculin) “tournée vers Dieu, et Dieu (v. 1 et 2), mais aussi “Lumière” (la première œuvre de la création dans la Gen.1). Puis évocation du Baptiste, et enfin de l’Incarnation : “La parole  fut chair(et non corps - cf de même au ch.6 à propos de l’eucharistie)”, présence de Dieu dans le monde : “Il y a planté la tente de son corps” (la traduction par “habiter” ou “demeurer” n’est pas correcte, car le  verbe employé par Jean rappelle la “tente de la rencontre” dressée par Moïse dans le désert).  Pas de mention de l’Esprit, comme le début de Gen 1 pouvait le suggérer.

 

4. La Pentecôte johannique. Il s’agit de 20,19-23. Texte bref, avec le même souci missionnaire que la Pentecôte lucanienne d’Act 2. Don relié à la Pâque, ce qui est comparable à Luc, car n’oublions pas que chez les juifs la Pentecôte fait  partie de la cinquantaine pascale.

J’en profite pour signaler que dans les Actes, Luc, 2,1-41 développe le don de l’Esprit aux douze et aux  juifs, mais qu’il y a ensuite dans ce livre le don de l’Esprit aux samaritains en 8,14-17, le don de l’Esprit aux païens à Césarée en 10,44-48, et le don aux johannites à Éphèse en 19,1-7, et dans tous ces cas le don de l’Esprit est lié au baptême.

 

   “Les descriptions des événements de Césarée, d'Éphèse et de Samarie enseignent que, outre les apôtres, d'autres ont reçu en partage le Saint-Esprit d'une façon qui ressemble à celle de la Pentecôte.” Voir en particulier la référence explicite mise par Luc dans la bouche de Pierre à propos de l'effusion de Césarée, en Act. 11,15 et 17. (Max-Alain Chevallier, “La parole de grâce” p.302 n.5).

    “La thématique de Luc, telle qu'il la développe successivement en Lc 24, Act 1 et  2, coïncide avec celle que le 4e évangile a ramassée dans la seule scène de Jn 20.” (o.c. p.308)

 

 

C. Le livre de l’Apocalypse. Milieu johannique, même si une analyse fine du vocabulaire laisse pressentir que le persécuté Jean, auteur de ce livre, n’est pas le même que l’auteur de l’évangile et de la première lettre de Jn..

 

1. Les titres de Jésus.

Ils sont nombreux. “Témoin fidèle” 1,5 (cf. 3,14), “Premier-né d’entre les morts” et “Prince des rois de la terre” 1,5, “Fils d’homme” 1,13 (cf. 1,7 et la mention “au milieu des nuées” de Dan.), le “Premier et le dernier” et le “Vivant  1,18, le “Fils de Dieu” 2,18, le “Saint” et  le “Véritable” 3,7, l’ ”Amen” 3,14.

 

2. Les mentions de l’Esprit.

a.- Il y a d’abord, dans les lettres aux 7 Églises d’Asie, cette phrase qui revient pour chaque Église: “Celui qui a des oreilles, qu’il entende ce que l’Esprit dit aux Églises”, qui précède ou suit une parole finale pour le vainqueur (ch. 2 et 3).

b.- L’auteur reçoit l’Esprit (ou les 7 esprits, ce qui a le même sens) pour son travail prophétique (1,4; 1,10; 4,2).

c.- Auprès du trône de Dieu il y a les 7 esprits de Dieu (1,4; 4,5), ces esprits qui habitent en 3,1  celui qui parle à l’Église, et en 5,6 l’Agneau.

d.- En 1,4, nous avons une véritable affirmation trinitaire, et en 22,17, l’Esprit et l’épouse attendent dans la prière le retour de Jésus. Sous ces images, bien des aspects de notre théologie trinitaire.

 

C’est évidemment dans la littérature johannique que les siècles suivants, et les Conciles du 4è siècle, puiseront pour justifier et exprimer la foi trinitaire.

 

Philon d'Alexandrie est une personnalité marquante de la communauté juive d'Alexandrie (Égypte). Né vers -15, il accomplit deux  missions à Rome, dans les années 37-41, auprès des empereurs Claude et Caligula. Son œuvre immense vise la réconciliation de la tradition juive et de la philosophie grecque.( ...) Pour ce faire, Philon propose de dépasser le sens “historique” (ou “littéral“) - par exemple l'exode en tant que fondation du peuple juif, libéré de l'esclavage d'Égypte - pour s'attacher à un sens “spirituel” ou “allégorique” concernant le destin de l'âme humaine en général. Ainsi, l'exode d'Égyptepeut évoquer la libération de l'âme, détachée des passions et prête à s'engager dans une quête spirituelle, à la manière de Moïse gravissant la montagne du Sinaï. (....)

Dans ce contexte, Philon est le premier qui associe les récits bibliques de création (Genèse 1 et 2) avec le Logos des philosophes, personnification de la raison divine, présente à l'univers. Le prologue de Jean s'inscrit dans la même tradition, sans qu'il faille imaginer une dépendance directe. Une chose paraît assurée: les idées audacieuses, dont Philon se fait l'écho, sont devenues familières au judaïsme de langue grecque, à l'époque où la communauté johannique tente de traduire le mystère de Jésus, à l'intention d'un public grec, familier de notions philosophiques comme celle de Logos. (Y.-M. Blanchard, o.c. p.86-87)

 

VI. La 1ère lettre de Pierre.

Nous allions oublier ce texte, bien difficile à dater : de Pierre avant 63 ? ou de 80 comme Éph. ? Adressée à une province de la Turquie actuelle, mais pourquoi écrite par Pierre, ou présentée comme de Pierre ? Il y a certainement un rapport avec Pierre et Rome ! A cette époque, Rome a une communauté chrétienne “conservatrice” : en 117 (date des lettres d’Ignace, épiscope d’Antioche) comme en 95 (lettre de Clément à l’Église de Corinthe) Rome n’a toujours pas d’épiscope, mais le système juif synagogal d’un collège d’anciens, que Paul a connu ou installé dans ses voyages missionnaires. Remarque qui évidemment ne facilite pas la datation de la présente lettre !

 

Les titres de Jésus

“Obéir à Jésus Christ et avoir part à l’aspersion de son sang” (1,2 - cf. Heb 12,24),

pierre vivante rejetée...” (2,5 - cf. le psaume 117 cité par le Kérygme),

“Lui, le juste...” (3,18 - le terme fait partie du vocabulaire de la tradition évangélique pour désigner ceux qui sont fidèles à Dieu : 2 fois chez Mc, 18 chez  Mt, 10 chez Lc, absent chez Jn ; désigne Jésus en Act.3,14;  7,52; 22,14),

berger ...” (2,25),“le souverain berger” (5,4) - cf. Jn.10 et Apoc.7,17.

“berger et surveillant (épiscope) de vos âmes” (2,25). - cf.Lc 1,68 où est utilisé le verbe correspondant traduit habituellement par “visiter”.

 

L’Esprit

En 5 chapitres, 7 mentions de l’Esprit, dont 5 dans une perspective trinitaire : 1,11-12; 2,5; 3,18; 4,14. Quelque soit la date de rédaction de ce texte, cette perspective étonne moins si on considère que le contenu de la lettre comporte beaucoup de références au baptême.

 

“L’Esprit sanctifie” (1,2) - cf. 2 Th.2,13; Ro.15,6.

L’Esprit du Christ est envoyé du ciel aux prédicateurs de l’Évangile comme jadis aux prophètes” (1,12) - cf.Act.2,17.

il édifie “une maison spirituelle” - cf.1 Cor.3,16; même verbe en Mt.16,18.

et permet “l’offrande de sacrifices spirituels” (2,5) - cf. Ro.12,1.

” il a rendu la vie au Christ” (3,18) - cf. Ro.12,1.

l’Esprit de gloire -  expression inonnue par ailleurs dans le N.T. - cf.Ex. 40,34 s..

l’Esprit de Dieu repose  (cf. Is. 11,2) sur ceux qui sont injuriés pour le nom du Christ” (4,14).

 

Conclusion. Cette petite enquête de vocabulaire, dans le sujet trinitaire qui nous occupe, ne peut nous renseigner sur la date de 1 Pi. : nous constatons un langage proche, ou du kérygme, ou de la tradition évangélique, ou de Paul, ou d’Heb., ou parfois de la littérature johannique. Un beau texte, bien enraciné dans le 1er siècle, mais sans lien plus précis avec un des courants de cette époque.

 

Voir sur alceste-com :

 

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